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Le Petit Beurre ou Véritable Petit Beurre, connu également sous ses initiales VPB, est une sorte de biscuit dont le plus connu en France est le Petit Beurre de la société LU, qui est devenu aujourd'hui un succès à l'échelle mondiale. Le substantif petit-beurre est passé dans la langue comme terme générique ; il prend alors un trait d'union et son pluriel petits-beurre est source de fautes d'orthographe. Il est connu dans les pays anglo-saxons sous le nom de French Petit Beurre.
Wikipedia.

12.09.11

Ce matin, deux petits-beurre ont sonné à ma porte. Ils sont apétissants, j’ai failli en manger un mais quand j’ai vu qu’ils étaient en couple je me suis retenu. Ils sont du gabarit des petits-beurre LU classiques, mais présentent tous deux un sévère entaille à angle droit. C’est pour mieux s’emboîter, me disent-t’ils. Ils ont l’air plutôt sociable mais absolument inséparables.J’accepte de les héberger quelques temps, à condition bien sûr qu’ils ne mettent pas de miettes partout. Ils ont de sérieuses difficultés à se déplacer par eux-mêmes, je vais devoir les aider à la main.






13.09.11
Première nuit passée avec les petits-beurre. J’avais pas trop confiance au début, ils étaient assez excités mais finalement il n’y a pas eu de problème notable. La chambre d’amis était prise, je leur avais préparé un couchage dans une assiette, avec un bouquet de persil fané pour qu’ils soient mis confortablement. L’un d’eux ronfle mais c’est supportable.
La journée ils n’ont pas fait trop de miettes, j’ai pu les laisser seuls dans l’appartement pendant les cours. Je pense que ça ne risque rien, ils semblent incapables physiquement de voler quelque chose ou même d’ouvrir la porte.




14.09.11

Ils sont restés très calme aujourd’hui. Je leur ai apporté un peu d’eau, à laquelle ils n’ont pas touché. Ça les ramollit, me disent-t’ils. Je m’en veux un peu, j’ai l’impression d’être un mauvais hôte, ça fait maintenant trois jours qu’ils n’ont ni bu, ni mangé. Ce soir j’ai essayé de leur faire avaler de l’oeuf mais leur absence de bouche complique vraiment les choses.



15.09.11

Nous y voilà. J’ignore comment ils s’y sont pris, mais nous sommes désormais un de plus dans mon appartement. Un petit-beurre a vu le jour cette nuit (!). Il doit bien faire un quart de la taille de ses géniteurs biscuits, et est absolument incapable de se déplacer, le pauvre. Ils m’ont mis des miettes partout.
Enfin de journée, j’ai malencontreusement marché sur le coin supérieur droit de la nouvelle maman. Elle semble avoir perdu la vue sur le coup, mais n’a pas bronché pour autant.



16.09.11

J’envie parfois les petits-beurre : leurs poupins ne braillent pas à longueur de journée comme le font parfois les nôtres. Le micro-beurre reste stoïque et aimable le majeure partie du temps. Le couple est aux petits soins avec lui. J’ai encore une fois tenté de les nourrir, avec de la banane cette fois, mais là encore rien n’y fait. En y réfléchissant bien, je crois que c’est une question de culture.
J’ai essayé de leur parler religion, pour voir, mais ils n’ont pas répondu. Je relancerai le sujet une prochaine fois.



17.09.11

Le micro-beurre grandit à une vitesse folle, il faut que je songe à l’appeler autrement. Et il n’est plus seul, j’ai remarqué trois micros-beurre de plus cachés dans le persil de leur couchage. J’ai l’impression que le couple petit-beurre est mal à l’aise, ils doivent se sentir un peu envahissants à force de produire toute cette micro-population.
Mais ça ne me gêne pas, je commence à m’habituer aux miettes.



18.09.11

L’anciennement nommé micro-beurre est déjà au stade de petit-beurre. Les trois suivants sont en bonne voie aussi. Et les quatre nouveaux-nés de cette nuit prêts à suivre ! Je me demande comment la mère peut engendrer sa progéniture à cette cadence. Les petits-beurre sont-ils ovipares, vivipares? Naissent-t’ils dans un oeuf, dans un chou?
Quoi qu’il en soit, ils ne sont pas très solides. L’un d’eux vient de chuter du bord de la table où j’écris, il s’est brisé en au moins cinq morceaux. Je le ramasse à la pelle-balayette et hop, poubelle.

Ça en fera toujours un de moins.



19.09.11


Je suis dépassé. De neuf biscuits surexcités, on passe maintenant à quinze. Je crois que les micros-beurre se sont reproduits entre eux. J’ignore si la consanguinité a une influence sur ce genre d’individu, j’espère que non. L’un des «nouveaux» petit-beurre a atteint une taille étonnante, presque deux centimètres de plus que ses géniteurs.
Ça devient de plus en plus compliqué de les éviter en marchant, rien que ce matin j’ai failli en écraser deux avec mon carton à dessin.



20.09.11

J’ai perdu le compte. Je crois qu’ils ont en plus invité des amis - existe-t’il une communauté petit-beurre dans les parages? Question intéressante.- Les naissances ne se comptent plus sur les doigts de la main, les morts non plus. L’un d’eux s’est ramolli dans l’humidité de la salle de bain, il s’est désagrégé sur le sol. Trois autres ont malencontreusement été sectionnés au niveau du torse par la chute de ma grande règle en fer.
Il ne semblent pas pratiquer de rituels funéraires, c’est à moi de me débrouiller pour jeter leurs débris.



21.09.11

J’utilise dorénavant l’expression «se reproduire comme un petit-beurre.» L’ancienne version avec les lapins n’est plus d’actualité. Je subis constamment les ébats d’une demi-douzaine de biscuits, ainsi que la naissance d’une demi-douzaine d’autres. Heureusement que leur espérance de vie est faible.
Le petit-beurre moyen vit de 5 à 6 jours, tout en laissant derrière lui une progéniture comptant 6 à 7 micros-beurre en moyenne.



22.09.11

Tragique incident ce matin. En rentrant du marché, je constate qu’ils ont mis à mal un malheureux quignon de pain que j’avais laissé sur la table. Le pauvre est complètement évidé, son pronostic vital semble engagé. Je pousse des micros-beurre à la délation, et je sanctionne les coupables d’une chute du premier étage.
Il serait bon de leur apprendre un certain savoir-vivre.



23.09.11

Assez mal réveillé ce matin, je me trompe de support et enduis copieusement de miel / confiture un infortuné petit-beurre. Il est mort d’asphyxie avant que je n’engloutisse sa moitié supérieure et remarque mon erreur. Par chance, personne ne semble avoir remarqué le meurtre et je peux terminer discrètement la moitié restante.
De toute façon, ils sont maintenant plus de 80, un de plus ou de moins c’est pareil pour eux.



24.09.11

Je remarque aujourd’hui l’entêtante odeur de beurre sucré qui flotte dans mon appartement depuis quelques temps. C’est appétissant, tous ces biscuits qui sentent si bon... Le goût savoureux de celui d’hier me revient, plus puissant. Il me suffirait d’en isoler un ou deux, dans la salle de bain par exemple, et de dire qu’ils se sont noyés... Et puis, pourquoi pas, de faire pareil chaque jour, non?



25.09.11

L’odeur se fait plus forte. Je lutte constamment. Vers 11h, j’ai failli dévorer un groupe de micros-beurre qui jouaient. Je suis resté enfermé, seul, dans la salle de bain le reste de la journée, tiraillé par la peur d’une fringale soudaine.
L’odeur filtre sous la porte de ma prison. Sucrée. Chaude. Toute juste sortie du four. Le biscuit encore mou, doré. J’ouvre la porte.



26.09.11

Je ne me souviens pas des évènements d’hier. Je ne veux pas m’en souvenir. J’ai trouvé ce matin les restes d’une grande quantité de petits-beurre par terre. Et je n’ai plus de confiture de mûre, celle que j’aime tant mettre sur les tartines. L’odeur de beurre sucré est moins forte. Les biscuits m’évitent.
Ils ne sont plus qu’une soixantaine.



27.09.11

Tout a changé. Leur présence est devenue discrète. À peine une dizaine de micros-beurre ont vu le jour cette nuit, malgré la trentaine habituelle. Et les miettes ont disparu.
Ou étais-ce juste un rêve?



28.09.11

Je suis rongé par la culpabilité, la honte de mes actes, et la peur que tout recommence. Comme pour me faire pardonner, je recueille avec soin les miettes d’un vieux biscuit décédé aujourd’hui et les incinère religieusement. Ses comparses suivent mes actes de loin. Ils ont l’air intrigués par le feu.
Je met les cendres dans un verre et les dépose devant les petits-beurre. L’image d’un gros pot de confiture me vient à l’esprit. Je la chasse en me concentrant sur celle d’un camembert.



29.09.11

Le camembert d’hier m’a donné une idée. J’en achète trois, des bien coulants, et les dispose stratégiquement dans mon appartement. Fini l’odeur de beurre sucré, place à une fragrance d’apocalypse.
Je peux recueillir sans crainte les restes des 7-year-old petits beurre morts aujourd’hui, et je reprends la procédure crématoire décrite hier.



30.09.11

Fait étonnant : ce matin, les petits-beurre semblent avoir collecté eux-même les fragments de leurs ancêtres. Ils les ont déposé en évidence, au pied de mon lit. De toute évidence, ils adhèrent à ma pratique rituelle.
Autre point : leur ardeur reproductive a repris le dessus. Une bonne centaine de biscuits gambadent dans l’appartement.



01.10.11

PAUSE
Trop de travail.
Suite le jour suivant.



02.10.11

SUITE DE LA PAUSE
Complètement overbooké, ces temps-ci.



03.10.11

Enfin un micro-temps libre pour étudier cette fascinante communauté biscuitoïdale. La population semble avoir atteint un pic à environ cent trente individus. Maintenant c’est moi qui incinère leurs morts, je m’occupe aussi de la régulation : chaque jour, j’en déguste une dizaine sous les yeux de leurs collègues. Fini les remords, fini les camemberts et la puanteur, place au goût sucré du petit-beurre ! (rime)



04.10.11

J’ai enfin trouvé un moyen de rentabiliser ces biscuits surexcités. Comme on le sait à Ivry, les gamins du quartier sont friands de destruction en tout genre. Je les appâte avec la démonstration du meurtre d’un micro-beurre, puis leur offre le possibilité de faire de même moyennant rémunération : je libère devant eux une trentaine de biscuits sur lesquels ils peuvent passer leur rage.
L’entreprise fonctionne, le bouche-à-oreille m’a ramené du monde. Je menace les troupes beurrées survivantes avec ma confiture pour qu’elles se reproduisent plus vite.



05.10.11

Le succès est total. J’engrange une recette monumentale aujourd’hui. Il est temps de penser à l’expansion de mon entreprise. J’achète dix paquets de petits-beurre supplémentaires et les enferme dans des boîtes pour qu’ils se reproduisent.



06.10.11

J’ouvre une succursale dans le local à poubelles; J’y délocalise toute la population beurrée apte à se reproduire et déguste devant elle une dizaine de micros-beurre pour l’exemple.
Les biscuits sont terrorisés.
Mais tout ne fait que commencer...









REMERCIEMENTS
À mes amis biscuits...




Et à tous ceux qui ont souffert pour la bonne cause.
°sacrifiés
°dégustés
°grillés
°émiettés
°humidifiés...
-mention spéciale à Jean Dark (page précédente)